Kerala impressions

Kerala impressions

journal d’un retour au pays aimé #2

Back to Kerala…

La journaliste Cynthia Chandran raconte l’aventure de Georges dans The New Indian Express depuis plus d’un an. La veille de mon arrivée à Trivandrum, Cynthia m’a interrogée et a écrit cet article pour annoncer la sortie du livre et le retour de Georges le tigre sur sa terre natale.

on George’s back

Pendant toute l’année 2022 (sous le signe du Tigre d’eau dans le calendrier chinois) je me suis sentie portée par l’esprit et l’énergie de George, décédé en décembre 2022. En ce début janvier, je le sens qu’il m’accompagne encore alors que je rencontre les journalistes de Manorama Newspaper pour une interview dans le zoo en présence du Docteur Jacob Alexander, Chirurgien vétérinaire en chef.

Article en Malayalam, la langue du Kerala, dans Manorama Newspaper.

Retrouvailles

Après 3 ans, ce sont les retrouvailles avec le Docteur Jacob Alexander et avec les tigres. Quelle expérience ! L’interview se transforme en une véritable visite du zoo. Je découvre aussi le Muséum d’Histoire Naturelle attenant au zoo, qui possède de très belles collections.

Sur la photo du journal, c’est d’abord la cage qui capte le regard. Mais cette image ne rend pas compte de l’interaction que j’ai eue avec les tigres. Ces tigres, je les ai déjà vus, je les ai beaucoup observés. J’ai appris à les comprendre grâce au Docteur Alexander.

Face à face

Le 11 janvier, lors de la visite, je me suis tenue à quelques centimètres de chaque tigre, là où les visiteurs ne peuvent pas aller. Manu a fait les cent pas, frôlant les barreaux, cherchant à savoir ce que lui voulait cette intruse. J’ai relâché tous mes muscles pour ne pas l’effrayer. Il a grondé sans agressivité.

Malar est venue droit sur moi et de ses yeux bleu-glace, elle a fixé les miens. Cela a duré quelques secondes. J’ai eu l’impression que cela durait des heures. Malar a un regard pénétrant.

Sravan a été élevé par des humains et il est très doux. A chaque fois que l’on dit son nom il émet un feulement tendre. A un moment, Sravan s’est mis à faire cette grimace… je n’avais jamais vu ça. Il semble que ce phénomène, commun au tigre, au chat, au cheval, leur sert à ressentir avec plus de précisions les phéromones. Lorsque cela s’est produit, je n’en savais rien. Cependant, je n’avais aucun doute : Sravan était en interaction avec moi et c’était très touchant.

Rahul enfin habite une vaste enceinte sans barreaux où il peut se cacher sous les grands arbres. Plusieurs fois, il est venu, s’est approché, a rebroussé chemin… une danse comme une question sans paroles : que veux-tu de moi ?

Bien sûr, toutes ses interactions se sont produites car j’étais accompagnée par le Docteur et par les soigneurs. Ces hommes et ces tigres ont une relation de confiance. Ce jour-là j’en ai récolté la tendresse.

Georges

Georges était absent puisqu’il a quitté ce monde mais il était au centre de la conversation, et il va l’être encore pendant tout mon voyage au Kerala, à travers des ateliers et des événements autour de la sortie du livre, aux éditions Le Verger des Hespérides.

On me demande : qu’avait-il de spécial, ce tigre-là ? Je réponds : il était né libre. En effet, les animaux de zoo sont presque tous nés en captivité. Ils ne pourraient pas survivre dans une nature sauvage car ils n’ont pas été élevés pour le faire.

Les tigres, comme nous, sont sensibles à leur environnement et évolue en fonction de lui. Ils sont forgés par leur éducation. C’est cela que j’ai appris grâce à Georges, grâce au Docteur. Et c’est le sujet de L’Histoire de Georges.

Tigres et humains, nous sommes des êtres de culture.

Journal d’une résidence à l’école #3

Journal d’une résidence à l’école #3

Passage d’années

Ce sont les derniers jours de l’année. Alors je prends du temps pour tamiser les expériences vécues. Avec la joie d’une chercheuse d’or, je découvre les pépites qui ont illuminé ma vie.

J’oublie souvent que chaque jour recèle des pépites de joie, même dans les situations sombres.

« Chaque jour est un bon jour » pour se réjouir, apprendre, faire un pas vers soi, les autres, s’abandonner à la vie et créer à partir de ce matériau (é)mouvant.

    Chaque jour est un bon jour est une expression japonaise.

    C’est aussi le titre d’un livre de Pascal Spiler.

    Passage de relais

    J’ai la liberté de danser, d’écrire et je la saisis. Et je me sens chanceuse de contribuer à transmettre les élans et les audaces de la création à des enfants.

    Car au-delà des processus et de la méthode, il y a ce geste crucial : celui des oiseaux qui ouvrent leurs ailes pour se lancer dans le vide.

    Pas sages

    Cette année, j’ai accompagné des enfants de maternelle vers la danse. C’était au printemps, en Essonne, avec le soutien de la Compagnie Un soir ailleurs et du Silo.

    Alors que les enfants s’ouvraient à la présence des fleurs de coquelicot par les sens, par le mouvement et grâce aux mots, ils déployaient des trésors d’invention, d’ingéniosité.

    J’étais chanceuse de les voir chatoyer.

    l’atelier photographié par Loane Ambry

    Passeurs et passeuses

    Depuis octobre, je suis en résidence au collège La Fontaine de Thénezay, dans les Deux-Sèvres, avec la classe de 6ème Newton. Dans ces derniers jours de l’année, les ateliers d’écriture que j’y ai menés brillent de tous leurs feux comme une très belle pépite !

    Ecoutez-les animer une émission sur le bien-être pour la radio web du collège ! Écoutez leur vivacité, leur ardeur, leur précision. Deux élèves m’ont interviewée pour cette émission (à écouter à partir de la 23ème minute) et c’était un grand plaisir de participer, un grand plaisir de les voir mener la danse.

    Bravo à tous et toutes, à leur professeure Marie Courtecuisse et à Thomas Moreau de Radio Gâtine. Bon passage vers la nouvelle année !

    Journal d’une résidence à l’école #2

    Journal d’une résidence à l’école #2

    en résidence à l’école

    Depuis Octobre je suis en résidence au collège La Fontaine de Thénezay, sur la Communauté de communes de Parthenay-Gâtine.

    Il s’agit d’un dispositif de soutien aux auteur.es du CNL-Centre National du Livre : je reçois une bourse du CNL pour mon projet d’écriture et le cycle d’atelier que j’anime avec une classe, l’équipe du collège m’accueille dans ses locaux et donne une visibilité à mon travail d’auteure.

    à la campagne

    Thénezay est un village des Deux-Sèvres entouré de bois. Le collège donne sur des champs. Il y a un petit jardin dans l’enceinte du collège où les végétaux sont en liberté, seulement guidés, pour pouvoir être observés. On y trouve un hôtel à insectes, une mare… tout ce qu’il faut pour que les animaux des alentours s’y sentent bien.

    Je suis accueillie dans la classe de 6ème Newton dont la professeure principale est Marie Courtecuisse. Nous nous connaissons car, il y a deux ans, en plein confinements, Marie prenait le pari de suivre mon travail d’écriture en cours de L’Histoire de Georges, que je publiais sur internet. Nous venons de célébrer les deux ans et demi de ce projet sur la Communauté de Communes de Parthenay-Gâtine ! Je publierai très prochainement un article en forme de rétrospective mais voici en mise en bouche, la belle proposition que Marie a réalisé avec sa classe en 2020-2021.

    écrire

    Cette année, avec ses élèves, pour guider l’écriture, nous avons deux maîtres-mots : « point de vue » et « relation ». J’accompagne la classe vers l’appropriation de ces notions. Dans leurs écrits, les élèves tentent de se mettre à la place de ce grand A U T R E qu’est l’animal. Marie nous a proposé une entrée en matière intime et sensible. Car Marie a rencontré une pie. Rencontre de hasard… Mais qui a dit que le hasard existait ? Pendant 5 mois, Marie a appris à connaître une pie et elle nous a invités dans l’intimité de cette découverte mutuelle.

    Cet événement, la rencontre avec un animal non domestiqué, a posé les fondations de l’atelier en donnant un cadre fort, émotionnel, réel où inscrire nos histoires inventées. Les élèves ont été investis immédiatement dans l’écriture et sont entrés de plein pied dans le sens de « la relation ».

    Je cherche à leur transmettre comment « écrire avec le réel ». En effet, pour écrire avec les animaux, nous exerçons un va-et-vient constant entre observation et imagination. Nous exerçons notre curiosité, devenons experts de l’animal choisi et cherchons même à nous relier à cet être-là, en pensée, à imaginer ses perceptions (nous avons même essayé la méditation guidée !).

    notre horizon

    Écrire pour la radio web que le collège vient de créer. Bientôt les récits d’animaux prendrons corps à travers les voix des élèves. Humour et fantaisie seront au rendez-vous.

    Journal d’une résidence à l’école #1

    Journal d’une résidence à l’école #1

    Ce 3 octobre, j’ai commencé une « résidence à l’école » au Collège de Thénezay dans les Deux-Sèvres, car, pour ma plus grande joie, j’ai reçu une bourse d’écriture du CNL (Centre National du Livre). Je peux ainsi poursuivre mon travail d’écriture sur les animaux et mener un atelier d’écriture créative avec des élèves sur le même sujet ! Je suis les animaux où qu’ils se trouvent depuis longtemps… mais c’est la première fois que je vais emmener un groupe sur leur piste.

    Les animaux m’entourent : dans la réalité, dans mes rêves… A force, ils se sont glissés dans mes fictions. Chaque jour ils m’enseignent. Ils m’enseignent sans parler, par leur posture, leurs comportements. Ils m’enseignent avec constance, avec la sobriété, la force, la souplesse des maîtres de Tai Qi. Et parfois leur ruse amusée. La présence des animaux est à la fois fugace et répétée. Ils jouent avec mes sens et avec mes certitudes. Je parle des animaux familiers mais aussi des animaux sauvages, de tous ceux qui ne sont pas domestiqués : oiseaux, écureuils, chevreuils, vaches (domestiques, les vaches? ça dépend de leurs conditions de vie, de leur « culture »). Mais aussi lézards, serpents, insectes et tant d’autres qui habitent là, juste à côté de moi, à côté de nous.

    Lorsque je crois les saisir, ils se sauvent. Me voici les mains vides et la pensée confuse. Une toute petite voix me souffle alors : « Patiente. Observe. Ou mieux, infuse ! » Mais comment infuser avec une classe ?

    Ce 3 octobre, à Thénezay, j’ai rencontré les élèves de la 6ème Newton accompagné.es de leur professeure Marie Courtecuisse, que je connais par le magnifique travail pédagogique qu’elle a réalisé en 2020 sur L’Histoire de Georges alors en cours d’écriture.

    C’est par une lecture de L’Histoire de Georges que j’ai introduit nos séances d’écriture. Le héros du récit est un tigre, Georges, et le narrateur – une pie. Oui, dans ce texte, les animaux s’expriment en utilisant nos mots mais non, ce n’est pas d’une fable et les animaux n’y représentent pas des humains. Ils prennent la parole en leur nom. D’ailleurs ils existent ces animaux-là : nous nous sommes vus, nous sommes entrés en relation.

    Ce 3 octobre, avec les enfants, on parle de changer de point de vue. On découvre que c’est une pratique de déconstruction. C’est bouger les habitudes de pensées comme on bouge des meubles. C’est se mettre dans le corps de l’autre, dans sa compréhension du monde à travers son corps. On découvre que c’est ardu de se mettre à la place de l’autre, quasi impossible. Alors on appelle l’imagination à la rescousse, la poésie aussi – si puissante pour trouver un langage à l’inconnu – et l’humour qui nous sauve de tout, toujours.

    Ce 3 octobre, avec les Newtons du collège de Thénezay, après les présentations d’usage, nous allons dans le jardin. Le collège a un jardin qui pousse en toute liberté, c’est une chance ! Nous allons pouvoir écrire à partir du réel : le monde est là, à portée de mains, à portée de mots.