Kerala Impressions Nuit

Kerala Impressions Nuit

Chaque arrivée au Kerala est particulière, chacune possède un goût particulier.

Et en huit ans et neuf voyages, j’ai appris à me laisser surprendre! Je ne sais pas qui sera à l’aéroport pour m’accueillir mais je sais que ce sera tendre et que si l’ami ne peut venir, il enverra un messager aussi doux que lui.

Sourires timides et celui-ci dit : « tu te souviens de moi? ». Je hoche la tête, je l’ai déjà vu au village. Il ajoute : « Welcome back! Combien de temps restes-tu? »

Bienvenue

C’est la nuit. L’avion a atterri à 18h30 et l’obscurité est déjà là.

Souvent je suis arrivée très tôt le matin quand le jour s’annonce et les rues sont vides.

Ce soir les rues sont vivantes et la lune, presque pleine, trône en majesté sur les feux colorés de la ville. La pluie la fait reluire à force de caresses constantes.

Ce soir il ne pleut pas mais les traces sont là.

Sur le tarmac la nuit m’a prise dans ses bras chauds et moites. Le taux d’humidité est si élevé qu’il donne un corps épais à l’air. Il m’enveloppe et me garde endormie jusqu’à la maison.

On se regarde dans les yeux.

Les yeux brillent comme chatoyants de pluie. On se sourit. Les vêtements que j’ai laissé en avril sont m’attendent dans la chambre. Tout est simple, tout est à sa place. Pourtant en quelques mois, il y a eu beaucoup des changements : les situations financières, le travail, la vie… Ici on ne s’attarde pas sur la tristesse.

« Combien de temps restes-tu? » Je montre sur le calendrier. Trois mois. Alors le décompte commence : je ne serai pas là tous les jours car je vais aller travailler, ailleurs, à Trivandrum ou même à Mumbai. Mais peu importe, je serai à côté, en Inde, sur la même terre, pas sur un autre continent. C’est à cela que pense Amma. Que je suis rentrée à la maison. Et moi, je me suis mise à penser pareil. On laisse un message à mes parents en France. Amma aimerait bien les rencontrer. Cela ne la gêne pas de partager.

la nuit de Siva

Le lendemain je dors beaucoup. Je me réveille par épisodes et vais goûter aux saveurs du jour : manger les dosas faits maison, marcher dans le village, écouter les oiseaux qui se manifestent avec détermination (bruits stridents, sauts jusqu’à ma porte). Entre chaque épisode, j’intègre tout ce mouvement de la vie indocile par des siestes.

Je me rassemble pour le rituel de ce premier soir : aller au temple saluer Siva.

Sur le chemin, la nuit commence à poindre, les fabuleux aigles royaux tournent au-dessus de moi et me guident vers le temple.

On ne photographie pas le temple, mais on peut photographier la statue monumentale qui a été bâtie en presque dix années. Je l’ai vu apparaître. Cela me touche de la voir se dresser dans toute sa splendeur.

La nuit est habitée par le rituel qui a duré longtemps. Une fois couchée, je ne dors pas. Par la fenêtre ouverte, un paon en liberté me tient compagnie. Il chante à chaque fois que je suis au bord de l’endormissement. « Pour qui parles-tu? Quelle énergie invisible viens-tu manifester à mes oreilles? » Inlassablement il me répond tout au long de la nuit. Je l’écoute. Je laisse mes cellules comprendre ce que mon entendement ignore.

La nuit est habitée et me parle dans une langue intime. Je m’endors alors que le jour se lève. La nuit et la lune, « Chandra », en ont décidé ainsi et je me laisse faire : je m’ouvre au feu qui brille dans la nuit.