Le voyage commence bien avant l’atterrissage. Il démarre dès le trajet vers l’aéroport, ce sas où je laisse en suspens les activités de France. Bien sûr, je resterai en lien avec mes proches et mes projets. Mais une fois en Inde, le présent prendra toute la place. Comme une eau de jouvence, il me baignera d’intensité et de ferveur.
Quand je suis en France, je regarde vers le soleil levant et je sais l’heure qu’il est en Inde. Deux fuseaux horaires inscrits sur mon écran. Mais ici, même mon téléphone a décidé de faire disparaître l’autre fuseau… Il n’y a que le présent.
Premiers pas en Inde : escale et immersion
Je fais escale à New Delhi. Passage à l’immigration, et déjà le bain linguistique : anglais, hindi… et d’autres musiques encore, inconnues. Je m’essaie à l’hindi que j’ai commencé à apprendre.
Puis vient Kochi, où j’arrive de nuit. La ville est calme pour m’accueillir. Une nouvelle langue aux accents tendres : le malayalam. Je le comprends un peu, mais c’est surtout son flux de rivière qui me touche, enveloppant comme des bras de mère.
Premier repas : une renaissance sensorielle
Un hôtel, et mon tout premier repas. Une chambre ordinaire, une cuisine excellente. Ce repas… un tapis rouge déroulé pour ma joie. Un an que ma peau, ma langue, mon nez ne s’étaient pas réjouis autant… Manger avec la main droite, mélanger la nourriture, sentir la chaleur sur la pulpe des doigts. Tout mon être s’éveille.
Ce plat avait-il un goût incomparable ? Ou bien était-il magnifié par mon élan du cœur ? Assaisonné par ma joie ?
Dans cette terre indienne, je résonne pleinement. La nature épanouie du Kerala, la douceur des gens, la présence apaisante de l’eau et des arbres, le climat tropical offrent à mon corps et à mon esprit une traversée vers une renaissance.
Un élan du cœur avant de transmettre
Alors que je vais bientôt rencontrer étudiants et élèves, je me sens emplie d’un élan du cœur. Heureuse d’être ici, à ma place.
Premiers jours au Kerala : Une pause pour mieux créer 🌿
« Laissez votre vie danser sur les bords du temps comme la rosée sur la pointe d’une feuille. »
Rabindranath Tagore
En laissant agir cette phrase du poète Tagore comme un mantra, j’ai laissé la vie me guider au rythme des rencontres et des inspirations depuis mon arrivée au Kerala le 11 décembre. Les premiers jours ont été consacrés à poser les bases des ateliers et des échanges autour de A Dancing Cow – La Vache qui danse. Ce projet, né entre la France et l’Inde, tisse des liens entre cultures et invite au dialogue à travers la francophonie et l’imaginaire.
En cette période de fêtes, je me suis arrêtée à Varkala, au bord de la mer, pour une cure ayurvédique. Ce moment, dédié à la purification et au renouveau, m’aide à créer un espace intérieur propice à l’inspiration. Ici, la sérénité du lieu se mêle aux pratiques ancestrales de l’ayurvéda et du yoga. Elle nourrit mon énergie et prépare le terrain pour les étapes à venir.
La Vache qui danse est bien plus qu’un livre. C’est une aventure artistique et humaine, portée par des valeurs de rencontre et de partage. Les premiers échanges au Kerala confirment la résonance profonde de ce projet avec un désir universel de connexion. À travers les ateliers et les dialogues en préparation, je perçois l’émergence d’un véritable pont entre les voix et les imaginaires des deux cultures.
Chaque jour m’enseigne l’importance d’accueillir pleinement l’instant présent. En même temps, il m’invite à garder une vision claire de ce que ce voyage peut semer. Ces graines d’échange et de création prendront racine dans les prochaines semaines. Cela sera possible grâce aux soutiens précieux qui rendent cette aventure réelle.
Si vous souhaitez participer à cette belle dynamique, il est encore temps ! En soutenant le projet avant le 16 janvier, vous recevrez un exemplaire dédicacé du livre et pourrez suivre les coulisses de ce voyage qui s’écrit au fil des jours.
Je vous souhaite une belle fin d’année et vous donne rendez-vous très bientôt pour la suite de ce voyage.
Chaque arrivée au Kerala est particulière, chacune possède un goût particulier.
Et en huit ans et neuf voyages, j’ai appris à me laisser surprendre! Je ne sais pas qui sera à l’aéroport pour m’accueillir mais je sais que ce sera tendre et que si l’ami ne peut venir, il enverra un messager aussi doux que lui.
Sourires timides et celui-ci dit : « tu te souviens de moi? ». Je hoche la tête, je l’ai déjà vu au village. Il ajoute : « Welcome back! Combien de temps restes-tu? »
Bienvenue
C’est la nuit. L’avion a atterri à 18h30 et l’obscurité est déjà là.
Souvent je suis arrivée très tôt le matin quand le jour s’annonce et les rues sont vides.
Ce soir les rues sont vivantes et la lune, presque pleine, trône en majesté sur les feux colorés de la ville. La pluie la fait reluire à force de caresses constantes.
Ce soir il ne pleut pas mais les traces sont là.
Sur le tarmac la nuit m’a prise dans ses bras chauds et moites. Le taux d’humidité est si élevé qu’il donne un corps épais à l’air. Il m’enveloppe et me garde endormie jusqu’à la maison.
On se regarde dans les yeux.
Les yeux brillent comme chatoyants de pluie. On se sourit. Les vêtements que j’ai laissé en avril sont m’attendent dans la chambre. Tout est simple, tout est à sa place. Pourtant en quelques mois, il y a eu beaucoup des changements : les situations financières, le travail, la vie… Ici on ne s’attarde pas sur la tristesse.
« Combien de temps restes-tu? » Je montre sur le calendrier. Trois mois. Alors le décompte commence : je ne serai pas là tous les jours car je vais aller travailler, ailleurs, à Trivandrum ou même à Mumbai. Mais peu importe, je serai à côté, en Inde, sur la même terre, pas sur un autre continent. C’est à cela que pense Amma. Que je suis rentrée à la maison. Et moi, je me suis mise à penser pareil. On laisse un message à mes parents en France. Amma aimerait bien les rencontrer. Cela ne la gêne pas de partager.
la nuit de Siva
Le lendemain je dors beaucoup. Je me réveille par épisodes et vais goûter aux saveurs du jour : manger les dosas faits maison, marcher dans le village, écouter les oiseaux qui se manifestent avec détermination (bruits stridents, sauts jusqu’à ma porte). Entre chaque épisode, j’intègre tout ce mouvement de la vie indocile par des siestes.
Je me rassemble pour le rituel de ce premier soir : aller au temple saluer Siva.
Sur le chemin, la nuit commence à poindre, les fabuleux aigles royaux tournent au-dessus de moi et me guident vers le temple.
On ne photographie pas le temple, mais on peut photographier la statue monumentale qui a été bâtie en presque dix années. Je l’ai vu apparaître. Cela me touche de la voir se dresser dans toute sa splendeur.
La nuit est habitée par le rituel qui a duré longtemps. Une fois couchée, je ne dors pas. Par la fenêtre ouverte, un paon en liberté me tient compagnie. Il chante à chaque fois que je suis au bord de l’endormissement. « Pour qui parles-tu? Quelle énergie invisible viens-tu manifester à mes oreilles? » Inlassablement il me répond tout au long de la nuit. Je l’écoute. Je laisse mes cellules comprendre ce que mon entendement ignore.
La nuit est habitée et me parle dans une langue intime. Je m’endors alors que le jour se lève. La nuit et la lune, « Chandra », en ont décidé ainsi et je me laisse faire : je m’ouvre au feu qui brille dans la nuit.